Se sentant rejetés par les autorités
Les pêcheurs amateurs réclament un droit d’accès à la mer
Habitués du littoral de Saint-Jouin-Bruneval ( Seine-Maritime), la mer est leur espace commun depuis des décennies mais les aménagements du port d’Antifer et les réglementations successives rendent son accès de plus en plus difficille. A terme, à coup de manoeuvres des autorités portuaires, les pêcheurs amateurs craignent de ne plus pouvoir accéder à la mer avec leurs modestes embarcations. Ils sont bien décidés à ne pas se laisser faire.
« Nous étions là bien avant la construction du port d’Antifer.Depuis lors, le port nous a toléré. Maintenant, il veut se débarasser de nous par tous les moyens » se désolent les pêcheurs amateurs de Saint-Jouin-Bruneval /Antifer réunis au sein de trois associations. Et leur histoire ressemble à un mauvais film orchestré par le Grand Port Maritime du Havre (GPMH).
Expulsés, les « papys » font de la résistance
Installés dans le port de servitude du port d’Antifer, les premiers sont tout bonnement expulsés. Des « papys » pour la plupart – le doyen a 90 ans – qui ne faisaient pas de bruit et ne gênaient personne depuis 35 ans. « En fait, nous étions là bien avant la création du port. Les plates étaient sur la plage. Lors de la création du port, nous étions parvenus à obtenir une place dans l’enceinte du port de servitude », explique Sylvain Duval, le secrétaire de l’APPMPA – Association des pêcheurs plaisanciers du port d’Antifer- qui rassemble une quarantaine de membres et 19 canots. Jusqu’alors, tout allait bien, les pêcheurs amateurs se faisaient discrets et prenaient soin de ne pas gêner les manoeuvres portuaires. « Nous n’avons jamais eu de soucis », assure Sylvain Duval. En juillet 2012, lorsque le port leur demande de mettre les canots au sec pour procéder au carénage d’un ponton, ils s’exécutent immédiatement. Mais une fois les embarcations à terre, l’autorité portuaire leur a signifié qu’elle leur interdisait de les remettre à l’eau. Depuis cette date, tous les bateaux sont bloqués sur le terre-plein. « Nous étions confiants, nous nous sentons trahis », se désolent les pêcheurs amateurs, complètement déboussolés par les méthodes du port.
L’APPLA veut aller à l’eau pas au sec
Les autres sont maintenus à distance sur la plage au sud du port de servitude. Les membres de l’APPLA -Association des pêcheurs plaisanciers du littoral d’Antifer- (80 membres) amènent leurs embarcations à l’aide de remorques par une cale de sable. En dehors de la saison, ils parviennent à se débrouiller. Mais durant la période estivale – la période où ils font le plus de sorties-, ils sont obligés de cohabiter avec les estivants avec les risques que cela comporte. « C’est un va-et-vient régulier d’attelages de 7 h du matin à 10 h du soir. En dehors des membres de l’association, il y a un grand nombre de vacanciers qui viennent occasionnellement avec leurs bateaux ou leurs jet-skis. C’est parfois très compliqué », explique le président de l’APPLA, Philippe Dragon. Il craint surtout qu’il se produise un accident avec un touriste. « En été, tout le monde est partout. C’est dangereux ». Et il ne se fait pas d’illusions : « on ne va pas interdire l’accès aux gens et c’est à nous que l’on interdira de venir ».
Le Grouin cherche son coin
Les membres du club du Grouin ( 60 adhérents, 41 canots) sont cantonnés au nord de la digue du port pétrolier, manoeuvrant leurs canots sur les galets à l’aide de treuils. A l’écart du public, leur situation est plus confortable. Elle n’en est pas moins précaire à court terme car ils sont menacés par un plan de prévention de risques technologiques (PPRT)du fait de la proximité des bacs pétroliers. « Il a pour effet d’élargir le périmètre de sécurité jusqu’à nos bateaux », souligne le président du club, Jea-Claude Tessier. Obligé de s’éloigner ou d’aller ailleurs, il n’oublie pas que les pêcheurs amateurs « étaient là bien avant la construction du port ». Un peu plus en amont, sur la grève à Bruneval : « à cette époque, les galets arrivaient sur la grève. Ils ont été emmenés par les courants créés par la construction de la digue du port pétrolier. Nous sommes alors venus nous installer dans l’Anse du Grouin ». A l’avenir, où pourront-ils aller ?
Un accès sécurisé à la mer pour tous
Face aux menaces, les trois associations unies dans leur action demandent un accès sécurisé à la mer par l’utilisation partielle du port de servitude.
La requête est tout à fait raisonnable. Il y a quelques temps, plans à l’appui, le GPMH avait fait des propositions concrètes d’aménagement dans l’enceinte du port de servitudes avec cale de mise à l’eau et pontons réservés aux pêcheurs plaisanciers. Depuis, ces propositions sont restées étonnament sans suite. Pire la pression des autorités se fait directe avec certains ou plus masquée pour d’autres afin que les pêcheurs amateurs comprennent qu’ils sont devenus indésirables à Antifer.
Ces derniers ont écrit au Ministre de la Mer pour lui demander d’intervenir auprès de l’autorité portuaire afin que le dialogue soit rétabli et que la perspective d’un aménagement durable soit clairement engagé. Mais dès maintenant, assurés du soutien d’une large part de la population, ils sont prêts à engager des actions sur le terrain pour se faire entendre.
La mer et les bateaux sont leur langage